Le visionnement d’un documentaire du canal Découverte portant sur les femmes opératrices d’équipement lourd dans les mines a dévoilé un tout nouveau monde à Robin Hebbard, une jeune femme de Deer Lake, à Terre-Neuve, qui était âgée de 19 ans à l’époque.

« Je savais que c’était ce que je voulais faire. J’ai donc pris l’avion pour Fort McMurray, affirme Robin. Aucune femme de ma famille n’avait quitté Terre-Neuve pour travailler ailleurs auparavant. Aux yeux de mon entourage, j’avais du courage, mais tous se disaient que j’allais revenir. Seize ans plus tard, je ne suis toujours pas de retour parce que j’ai trouvé le travail de mes rêves. »

Ce rêve ne s’est toutefois pas réalisé sans embûches. À la mine d’Aurora de Syncrude, Robin a fait son entrée dans un monde d’hommes en 2007 en devenant une opératrice d’équipement lourd ne comptant aucune expérience. 

« À cette époque, personne ne prenait vraiment les jeunes femmes au sérieux. Nous étions si peu nombreuses. Compter 15 femmes au sein d’une équipe composée de 80 employés et entrepreneurs relevait de la chance, dit-elle. Nous étions les dernières à recevoir quoi que ce soit. Personne ne nous faisait confiance. Je ne l’ai jamais mal pris, par contre. Je le voyais comme un défi à relever. Si un homme peut évoluer dans ce monde, moi aussi je peux le faire. »

Robin a rapidement su maîtriser les immenses camions de roulage, ce qui lui a permis de décrocher un emploi à temps plein à Syncrude en 2008. Elle n’a toutefois pas limité l’exercice de ses compétences à la cabine de ces monstres de fer.

« J’ai toujours saisi les occasions qui se présentaient à moi en dehors du cadre de travail dans les équipements lourds. L’une d’elles a été de travailler en tant qu’administratrice substitut d’une équipe, déclare-t-elle, et l’une de mes tâches consistait à soumettre les vestiaires à des vérifications. »

Les vestiaires sont utilisés par les travailleurs d’Aurora au début et à la fin de leur quart. « Nous devons enfiler beaucoup de pièces d’équipement pour nous protéger, des casques antichocs aux combinaisons en passant par les bottes à embout d’acier, affirme-t-elle. De plus, la plupart d’entre nous se rendent au travail à bord d’un autocar. Comme nous ne voulons pas salir les sièges avec nos vêtements de travail, nous avons besoin d’un endroit pour nous changer et pour ranger nos clés, nos téléphones et nos effets personnels. » 

Avec la hausse du nombre de femmes qui travaillaient à Aurora, il n’y avait plus suffisamment de cases et le vestiaire des femmes était plus achalandé. « J’ai commencé à mener les vérifications aux vestiaires en 2015 et nous avons libéré beaucoup de cases pour nos employées et entrepreneures de la gent féminine. Mais en 2018, il était devenu beaucoup plus difficile de libérer des espaces, indique-t-elle. C’était en partie une bonne nouvelle. À l’heure actuelle, les femmes comptent pour plus de 30 pour cent de nos équipes grâce à des initiatives comme Women Building Futures. Cette présence accrue a toutefois créé un problème en ce qui concerne les espaces dans les vestiaires. Une seule case était utilisée par deux ou même trois femmes à la fois. »

Robin a fait part de la situation préoccupante à Eric Williams, directeur des activités minières à Aurora, qui a consulté les membres de la direction pour trouver une solution. « David Balmer, un de nos chefs d’équipe de première ligne, a eu l’idée de faire un échange : un vestiaire pour hommes de notre installation allait devenir un vestiaire pour femmes et l’ancien vestiaire des femmes allait être utilisé par des hommes, note Eric. Comme le nombre d’employées femmes a augmenté, nos vestiaires pour hommes avaient un excédent de capacité. Nous avons procédé au dénombrement des cases et avons collaboré avec les Installations, et avons conclu que cette solution était possible. »

Cal Swyers, chef de quart pour les activités minières à Aurora, a eu pour mandat de procéder au transfert des vestiaires. Cette solution à faible coût nécessitait l’assentiment de bien des gens.

« Les vestiaires suscitent un certain sentiment. Certaines personnes utilisaient la même case depuis de nombreuses années. Dans quelques cas, des fils ont "hérité" de la case de leur père qui avait travaillé ici auparavant. Le transfert de case n’était donc pas nécessairement un changement facile, affirme Cal, qui travaille à Aurora depuis 15 ans. Nous devons toutefois féliciter notre main-d’œuvre. Nous avons d’abord expliqué l’importance de ce changement et les gens ont été réceptifs et compréhensifs. Ils ont su voir la vue d’ensemble. »

Cal a bien compris le problème lorsque son épouse Sunni a travaillé à Aurora comme répartitrice, superviseure de première ligne et formatrice de quart avant de partir en congé de maternité.

« Elle disait que c’était un "cauchemar" et les chiffres le prouvent. Nous comptions 135 cases pour 175 femmes, indique Cal. Depuis le transfert, 312 cases sont disponibles. Les femmes n’ont plus à partager leurs cases et ne sont plus tassées comme des sardines dans un vestiaire trop petit. »

Une femme portant un casque de sécurité et une veste Syncrude noire avec des bandes réfléchissantes sourit alors qu'elle se tient dans un vestiaire. Elle a une main sur lui et l'autre est plaquée contre les casiers rouges.
L’opératrice d’équipement lourd Robin Hebbard dans le nouveau vestiaire des employées femmes à Aurora. Un nombre croissant d’employées femmes ont demandé à l’installation de changer l’un de ses vestiaires autrefois utilisé par les employés hommes.  


Pour Robin, ces changements nous amènent à #éliminerlespréjugés, ce qui correspond au thème de la Journée internationale des femmes cette année. Elle apprécie aussi le soutien reçu des membres de la direction et de ses collègues masculins qui ont contribué à un changement important pour les femmes à Aurora.

« Aurora, c’est comme un petit village. Comme un lieu de réconfort. J’ai travaillé en étroite collaboration avec Cal et nous avons vu le changement de culture. Nous comptons parmi nous des femmes opératrices et leaders, et c’est merveilleux. Il est aussi remarquable de voir la réaction des hommes qui ont été des acteurs dans cette situation, en commençant par Eric qui a prêté l’oreille et qui s’est senti suffisamment interpellé pour trouver une solution, puis en passant par David et Cal qui ont résolu ce problème impliquant les femmes avec lesquelles ils travaillent. C’est en grande partie pourquoi ce travail est encore aujourd’hui un emploi de rêve pour moi. »